Savoir lire pour retenir, c’est tout un art
Aux judicieux conseils donnés par Jules Payot, vous en ajouterez quelquesuns car la lecture joue un rôle de premier plan. Elle vous permet, en particulier, de combler le fossé qui existe entre la connaissance et l'action et d'améliorer de ce fait votre comportement individuel. D'autre part, elle vous donne le moyen, tout spécialement en ce qui concerne les disciplines scientifiques, d'entrer en contact avec des réalités qui s'installent chaque jour davantage aux carrefours de la pensée.
Sans doute, à notre époque, la radio et la télévision ont retiré au livre l'un de ses rôles essentiels qui est d'apporter la connaissance. Mais l'écrit présente un avantage considérable sur l'audiovisuel car il est le véhicule indispensable à la réflexion. A l'encontre des informations audio-visuelles, qui sont plus ou moins passivement « reçues », la lecture représente un moyen « actif » de connaissance. Elle provoque généralement la mise en oeuvre des meilleures facultés intellectuelles: la concentration, l'attention active, la compréhension, la confrontation de la pensée de l'auteur avec votre propre pensée de sorte qu'elle peut être l'occasion privilégiée d'une rencontre entre deux solitudes. Nourriture cérébrale, elle participe aussi au développement de la personnalité.
La confrontation régulière avec l'expression d'intelligences indiscutées, avec des connaissances nouvelles engendre la culture; la mémoire s'enrichit et groupe ses acquisitions, le caractère se précise par le choix constant que propose l'esprit critique, l'imagination s'abreuve aux sources littéraires. Pour bien comprendre la pensée politique, économique, sociale, littéraire, scientifique, philosophique et morale, il faut la lire, et, en l'occurrence, le livre, notamment sous la forme d’eBook, a un avenir plus glorieux encore que son passé puisqu'il peut maintenant se limiter à ce qu'il a de plus noble.
A ce point de vue, et sans prôner pour autant une littérature édifiante ou béatement optimiste, évitez de lire les oeuvres médiocres, les ouvrages d'aigris et de mécontents, qui développent l'anxiété, et qui, de ce fait, sont dangereux pour votre équilibre mental et votre paix intérieure, alors qu'il y a tant d’oeuvres splendides et réconfortantes.
Devant les titres prometteurs, devant les alléchantes « bandes de lancement », ayez le courage de vous demander: «Ces livres valent-ils la peine d'être lus ? » Soit par vanité, soit par folle ambition de se tenir au courant et d'« être à la page », soit plus souvent encore par curiosité passionnée et dévorante, ne vous jetez pas comme un affamé sur n'importe quel livre qui « vient de paraître ». Laissez-le vieillir et faire ses preuves. Dans quelques mois peut-être vous n’entendrez plus parler de ces ouvrages qui, à un moment donné, « ont fait fureur »; alors vous pourrez lire en toute
sécurité les 2 ou 3 qui surnageront.
sécurité les 2 ou 3 qui surnageront.
D'un point de vue un peu différent, et sans vouloir affirmer dogmatiquement que « tout est dans tout », il est néanmoins permis de dire que dans les oeuvres éminentes et accomplies, dans ces livres qui ont subi l'épreuve du temps et que l'on peut qualifier de « royaux », les grands écrivains, les philosophes et les moralistes de génie ont tout vu, tout senti et tout dit, de sorte que les auteurs de second plan ne font que les imiter ou les démarquer. Dès lors, ne vaut-il pas mieux préférer les originaux aux copies, puiser à la source pure plutôt que de s'abreuver aux maigres et parfois troubles ruisseaux qui en découlent ?
Abandonnez aussi ces auteurs obscurs et quelquefois incompréhensibles parce que vagues et confus, ceux qui déforment le réel pour paraître subtils, profonds ou raffinés, ou encore ceux qui, par snobisme, sont des abstracteurs de quintessence. Autrement dit, délaissez ces fabricants de nuages de fumée, ces précieux, ces Trissotin pour qui nulle oeuvre ne mérite crédit si elle n'est hermétique.
Ne vous laissez pas non plus piper par ces « prix littéraires », de notoriété et de qualités douteuses, qui distinguent un livre parmi des dizaines d'autres qui le valent et qui le propulsent ainsi vers de hauts tirages alors que les ouvrages délaissés restent dans l'obscurité. Ni par certains « Mémoires » plus ou moins suspects que l'on fait « mousser » comme s'il s'agissait d'une lessive ou d'un savon de qualité et qui mettent en vedette une « personnalité » en vue, qu'elle soit militaire, diplomate, acteur, sportif, politicien, truand « repenti et embourgeoisé », participant à un « scandale », etc.
En tout cas, quelle que soit la nature de l'ouvrage que vous désirez examiner, jetez d'abord un coup d’oeil sur la préface, parcourez la table des matières puis lisez attentivement la conclusion qui, généralement, résume les théories ou les faits exposés.
Si vous estimez que le livre mérite d'être lu, n'oubliez pas que l'art de lire se confond avec l'art de penser: il exige patience et recherche. Ce qui signifie qu'il faut lire lentement, quitter le livre de temps en temps et méditer sur le passage que vous venez de lire.
Il faut aussi relire parce que vous n’êtes pas sûr d'avoir du premier coup compris exactement un auteur et parce qu'en relisant un texte vous y découvrez toujours de nouvelles beautés ou des idées qui vous avaient tout d'abord échappé. Au cours de la lecture, vous soulignerez les passages clés et vous les numéroterez dans la marge puis vous les classerez par sujets sur la page de gauche.
Vous les recopierez ensuite dans un fichier informatique ou à la main sur une fiche bristol. Vous reprendrez la fiche chaque fois que vous aurez besoin d'une citation ou d'une idée sur ce qu'a dit l'auteur. Cet index vous donnera le numéro de la page et avec cette annotation vous pourrez reprendre un livre que vous n'avez pas lu depuis des années.
Commencez donc cette bonne habitude tout de suite avec le présent texte. Sélectionnez les phrases-clés et rangez-les dans un fichier d’un coup de copier-coller.
Enfin, s’il vous arrive de lire un ouvrage de médiocre qualité, ce n’est pas grave, car «il n y a pas de mauvais ouvrage où il n'y ait quelque chose de bon » (Goethe). Au surplus, vous pouvez tirer du profit à lire un livre mal écrit, mal pensé ou insignifiant si vous savez en relever les imperfections.