Hypnose et paranormal

Hypnose et paranormal
Avec le marquis de Puységur, nous avons vu que certains sujets magnétisés manifestaient des facultés de clairvoyance étonnantes. Mais est-ce là tout ? Si l'hypnose est un révélateur de P.E.S. (Perceptions Extra Sensorielles), comment se fait-il que d'autres cas ne soient pas venus confirmer cette hypothèse ?
L'explication est la suivante : on ne voit que ce que l'on veut bien voir. Un exercice classique de psychologie consiste à présenter au sujet un dessin représentant un Nord-Africain bien habillé, qui se fait agresser par un Français armé d'un long couteau, dans le métro.
Après avoir étudié ce dessin, le « témoin » rapportera ce qu'il a vu à une seconde personne, et ainsi de suite.
Immanquablement, au deuxième ou troisième témoignage, la situation a été inversée : c'est le Français bien habillé qui se fait agresser par un Nord-Africain. La première situation était, inconsciemment, intolérable et a été rejetée.
On comprend la difficulté qu'ont ces hommes de science, ces médecins, à admettre que de telles possibilités existent. Un bon exemple de cette répugnance est la réaction de l'Académie de médecine au rapport que fit Husson en 1832. Une commission avait été nommée six ans plus tôt, et pendant tout ce temps, Husson avait enquêté, expérimenté, afin de tirer les choses au clair.
Le grand jour arrive enfin où chaque membre de l'Académie peut prendre connaissance du rapport.
Consternation :
« Husson, en effet, avait accumulé des expériences extrêmement spectaculaires de magnétisation à distance et de clairvoyance. La commission accepta le don de double vue, de diagnostic en état de somnambulisme, de prévisions, de lecture les yeux bandés. »
Le rapport ne fut pas publié, par crainte du ridicule. Une nouvelle enquête fut même  confiée à Dubois, un adversaire acharné du magnétisme, qui nia tout en bloc : y compris l'existence d'un état de somnambulisme provoqué. Le rapport de Husson manquait-il de sérieux ?
Ce n'est pourtant pas l'opinion de la commission d'étude désignée en 1953 par la British Medical Association, afin d'examiner l'hypnose, Elle s'inspira beaucoup du rapport de Husson, allant même jusqu'à dire que « les conclusions de ce rapport sont d'une prévoyance remarquable et sont, en majeure partie, encore applicables aujourd'hui ».
En 1850, l'Anglais Mayo, professeur de physiologie et magnétiseur, écrivait : « Une personne magnétisée qui a perdu son propre sens du toucher, du goût ou de l'odorat, perçoit tout ce qui est ressenti par les sens du toucher, du goût ou de l'odorat du magnétiseur. » Il confirmait ainsi les recherches faites depuis plusieurs années par un médecin français, le docteur Azam.
En 1875, le professeur U.F. Barret, grand physicien anglais, reprend cette expérience : « J'avais pris certaines choses dans mon garde-manger et je les avais apportées et mises sur la table à côté de moi. Me tenant derrière la fillette dont les yeux étaient soigneusement bandés, je mis un peu de sel dans ma bouche ; la fillette cracha aussitôt et s'écria : "Pourquoi mettez-vous du sel dans ma bouche ?" Ensuite, j'ai goûté du sucre ; elle a dit : "C'est meilleur !" A ma question "A quoi cela ressemble-t-il ?" , elle répondit : "C'est sucré." "Ensuite j'ai goûté à la moutarde, au poivre, au gingembre, etc. La fillette nommait tout cela et avait apparemment une sensation gustative quand je mettais les épices dans ma bouche. J'approchai ma main d'une bougie allumée et me brûlai légèrement ; la petite fille assise, toujours les yeux bandés et me tournant le dos, s'écria au même moment qu'elle s'était brûlé la main, tout en manifestant une douleur évidente. »
Charcot, s'il fit des erreurs, n'en travaillait pas moins sur des sujets en transes. Or il commençait son cours ainsi :
« Nous prendrons les faits simples, faciles à analyser, nous laisserons de côté les phénomènes supérieurs, la double vue, la lucidité. » Il ne les réfutait pas pour autant.
L'école de Nancy s'intéressa aussi à ces phénomènes. Le 9 janvier 1886, Liébeault entreprit avec Stanislas de Guaita l'expérience suivante, dont voici le procès-verbal : « Nous soussignés, Liébeault (Ambroise), docteur en médecine et de Guaita (Stanislas), homme de lettres, tous deux demeurant actuellement à Nancy, attestons et certifions avoir obtenu les résultats suivants : 1° Mlle Louise L..., endormie du sommeil magnétique, fut informée qu'elle allait avoir à répondre à une question qui lui serait faite mentalement, sans l'intervention d'aucune parole, ni d'aucun signe. Le docteur
Liébeault, la main appuyée au front du sujet, se recueillit un instant, concentrant sa propre attention sur la demande qu'il avait la volonté de faire :
− Quand serez-vous guérie ?
Les lèvres de la somnambule remuèrent soudain :
− Bientôt, murmura-t-elle distinctement.
On l'invita alors à répéter, devant toutes les personnes présentes, la question qu'elle avait instinctivement perçue. Elle la redit dans les termes où elle avait été formulée dans l'esprit de l'expérimentateur.
2° M. de Guaita, s'étant mis en rapport avec la magnétisée, lui posa mentalement une autre question :
− Reviendrez-vous la semaine prochaine ?
– Peut-être, fut la réponse du sujet.
Invitée à communiquer aux personnes présentes la question mentale, la magnétisée répondit :
− Vous m'avez demandé si vous reviendriez la semaine prochaine.
Cette confusion portant sur un mot de la phrase est très significative. On dirait que la jeune fille a "bronché" en lisant dans le cerveau du magnétiseur.
3° Le docteur Liébeault, afin qu'aucune phrase indicative ne fût prononcée, même à voix basse, écrivit sur un billet :
"Mademoiselle, en se réveillant, verra son chapeau noir transformé en chapeau rouge."
Le billet fut passé, d'avance, à tous les témoins ; puis MM. Liébeault et de Guaita posèrent en silence leurs mains sur le front du sujet, en formulant mentalement la phrase convenue. Alors, la jeune fille, instruite qu'elle verrait dans la pièce quelque chose d'insolite, fut réveillée. Sans une hésitation, elle fixa aussitôt son chapeau et,
avec un grand éclat de rire, se récria. Ce n'était pas son chapeau ; elle n'en voulait pas. Il avait bien la même forme ; mais cette plaisanterie avait assez duré ; il fallait lui rendre son bien.
− Mais, enfin, qu'y voyez-vous de changé ?
– Vous le savez ; du reste, vous avez des yeux comme moi.
– Mais encore ?...
On dut insister très longtemps pour qu'elle consentît à dire en quoi son chapeau était changé ; on voulait se moquer d'elle. Pressée de questions, elle dit enfin :
− Vous voyez bien qu'il est tout rouge.
Comme elle refusait de le reprendre, force fut de mettre fin à son hallucination, en lui affirmant qu'il allait revenir à sa couleur première. Le docteur Liébeault souffla sur le chapeau, et redevenu le sien à ses yeux, elle consentit à le reprendre.
Tels sont les résultats que nous certifions avoir obtenu de concert. En foi de quoi, nous avons rédigé le présent procès-verbal. »
L'hypnose semble donc bien être ce qu'elle promet. Elle permet de recréer les « miracles » des antiques thaumaturges. On s'en inquiète. Tout particulièrement l'Eglise, qui accuse le magnétiseur La Fontaine d' « imitation impie des miracles du Christ ».
« Il fut emprisonné, puis relâché par le roi Ferdinand de Naples qui lui rendit la liberté, à condition toutefois "qu'il ne rende plus la vue aux aveugles et l'ouïe aux sourds". Il put cependant obtenir une audience particulière de Pie IX et, après une discussion très longue, le pape admit qu'il n'y avait aucune imitation des miracles du Christ. Il le félicita et l'encouragea... »
Mais pendant la fin du XIXe siècle et le début du XXe, le développement de l'hypnose marque le pas. Plus de Mesmer, de Charcot, de rivalités et de scandales. Un ancien élève de Charcot, Sigmund Freud, met au point la psychanalyse, abandonnant l'hypnose. Un pharmacien de l'école de Nancy, Emile Coué, développe une méthode de suggestion, la « méthode Coué », préférant l'état de veille au sommeil hypnotique pour guérir les malades. Les techniques de l'anesthésie se perfectionnent, et le recours à l'hypnose n'est plus nécessaire.
L'opinion publique brûle ce qu'elle a adoré, et de nombreux détracteurs s'attaquent à l'hypnose. Un tribunal condamne un hypnotiseur à de lourds dommages et intérêts, parce qu'il a déclenché des troubles chez une jeune femme, lors d'une démonstration théâtrale. Démonstrations théâtrales qui nuisent à « l'image de marque » de l'hypnose. Qui voudrait, en effet, se voir tourner en ridicule comme ces spectateurs qui se mettent à marcher à « quatre pattes », aboyer ou commencent à se déshabiller, sur ordre de l'hypnotiseur ?
On lui reproche d'autre part les phénomènes de « compensation » (la source du traumatisme psychologique n'ayant pas été assumée, la somatisation se reporte sur un autre organe) et la lourdeur du procédé. Il faut en effet quelquefois plusieurs séances pour endormir un sujet, et certains demeurent rebelles.