Un ennemi, on le combat. De quoi était-il fait, celui-ci ? Autant demander de quoi était formée la souffrance qui faisait panteler l'homme devant moi.
Une souffrance, on le sait, est particulière à chacun de nous comme son visage. Seulement, le visage, ce n'est pas la forme qui le caractérise mais l'expression. Par là je pouvais donc arriver à une précision.
Ce qui caractérisait la souffrance de ce blessé, c'était qu'elle l'avait vidé de son individualité. Arrêt total d'une pensée qui ne se manifestait plus que par la douleur. A moins que ce ne fût une douleur
particulière.
Je fus tenté, puisque cette douleur était le résultat de coups et de blessures, de la situer dans les saignements et les ecchymoses. Erreur.
Dans ce cas elle aurait été diffuse, alors que mon intuition la distinguait sous l'apparence d'un noeud atroce et compliqué, impitoyablement inséré entre les deux yeux. Je percevais, sur ce point
précis, une lourdeur minérale qui, si on ne l'extirpait pas tout de suite, se liquéfierait en produit corrosif et amènerait forcément la mort.
Le temps passait. L'aube commençait à éclaircir l'atmosphère.
Concentrant mon attention sur le front du blessé, je détectai, bien entre les sourcils, une déchirure des chairs en forme de triangle. La lame qui avait entamé ce point délicat surgit devant mes yeux. Aussitôt je m'en emparai et la retournai contre moi. Mon front éprouva la quintessence de la déchirure en sensation si aiguë que j'en perdis conscience.
Avais-je crié ? M'étais-je évanoui ? Mon front saignait-il ? Non, rien de tout cela, puisque mon intervention était restée mentale. Je touchai mon front à plusieurs reprises. Il ne saignait pas. N'empêche que la petite blessure imaginaire qui m'avait rempli d'angoisse me secouait comme un ciel d'orage.
J'étais entré de plein front dans le nuage qui s'était formé audessus du blessé. Sa douleur, empreinte par une malfaisance, me répugnait à présent comme un animal d'ombre. J'avais des frissons de peur et de dégoût.
Mais il n'était pas question de cela. Si mon compagnon, écrasé comme il l'était, ne pouvait se défendre, je le pouvais, moi, pour deux.
J'étais fort, en parfaite santé, libre quand même...
Alors je pris ses deux mains saignantes entre les miennes et nos bras devinrent les membres d'un seul et même être: le combattant.
Fixant sur le visage flou la plaie en triangle, je crus voir mon visage s'y décalquer.
Une souffrance, on le sait, est particulière à chacun de nous comme son visage. Seulement, le visage, ce n'est pas la forme qui le caractérise mais l'expression. Par là je pouvais donc arriver à une précision.
Ce qui caractérisait la souffrance de ce blessé, c'était qu'elle l'avait vidé de son individualité. Arrêt total d'une pensée qui ne se manifestait plus que par la douleur. A moins que ce ne fût une douleur
particulière.
Je fus tenté, puisque cette douleur était le résultat de coups et de blessures, de la situer dans les saignements et les ecchymoses. Erreur.
Dans ce cas elle aurait été diffuse, alors que mon intuition la distinguait sous l'apparence d'un noeud atroce et compliqué, impitoyablement inséré entre les deux yeux. Je percevais, sur ce point
précis, une lourdeur minérale qui, si on ne l'extirpait pas tout de suite, se liquéfierait en produit corrosif et amènerait forcément la mort.
Le temps passait. L'aube commençait à éclaircir l'atmosphère.
Concentrant mon attention sur le front du blessé, je détectai, bien entre les sourcils, une déchirure des chairs en forme de triangle. La lame qui avait entamé ce point délicat surgit devant mes yeux. Aussitôt je m'en emparai et la retournai contre moi. Mon front éprouva la quintessence de la déchirure en sensation si aiguë que j'en perdis conscience.
Avais-je crié ? M'étais-je évanoui ? Mon front saignait-il ? Non, rien de tout cela, puisque mon intervention était restée mentale. Je touchai mon front à plusieurs reprises. Il ne saignait pas. N'empêche que la petite blessure imaginaire qui m'avait rempli d'angoisse me secouait comme un ciel d'orage.
J'étais entré de plein front dans le nuage qui s'était formé audessus du blessé. Sa douleur, empreinte par une malfaisance, me répugnait à présent comme un animal d'ombre. J'avais des frissons de peur et de dégoût.
Mais il n'était pas question de cela. Si mon compagnon, écrasé comme il l'était, ne pouvait se défendre, je le pouvais, moi, pour deux.
J'étais fort, en parfaite santé, libre quand même...
Alors je pris ses deux mains saignantes entre les miennes et nos bras devinrent les membres d'un seul et même être: le combattant.
Fixant sur le visage flou la plaie en triangle, je crus voir mon visage s'y décalquer.