Considérer la situation comme normale


Considérer la situation comme normale
Je suis certain de m'être trompé, ou du moins d'avoir été très incomplet. Lorsque je resurgis, une surprise m'attend : tumeur aux intestins, qui repousse (sept opérations successives) et tache noire à la lèvre supérieure (diagnostic du corps médical : origine inconnue).

Avide d'en savoir plus, je décide d'observer les autres groupes, qui sont en plein « travail ». Un jeune
homme dit : « C'est noir, c'est tout noir. » On le questionne. Il ne fait que répéter : « C'est noir, j'ai une
impression de froid. Je veux revenir. » Il devait diagnostiquer un cancer généralisé.
Je vois un autre groupe. Une femme d'une quarantaine d'années parle, parle. Son « directeur » a déjà noirci
au moins trois pages de notes hâtives.
Une jeune fille m'aborde : « Je ne suis pas encore passée, voulez-vous être mon directeur ? » J'acquiesce. Il
y a un je-ne-sais-quoi d'agréable à regarder de jolies femmes qui se relaxent. Leurs visages sont « transfigurés ».
Certaines deviennent très belles, d'autres vieillissent. Cela me rappelle un passage de Montherlant conseillant de
« regarder la mère avant d'épouser la fille ».
Tout se passe très bien. Presque de la routine. Les facultés d'adaptation humaines sont vraiment
extraordinaires : je me surprends à considérer la situation comme normale.
Nous nous retrouvons tous lors d'une pause. L'atmosphère a complètement changé. De réservée, elle est
devenue passionnée. On voit ceux qui se défendaient de « croire à ces sornettes » prendre l'un et l'autre à témoin
de l'incroyable situation qu'ils ont vécue. Ils refont le monde à la lumière de leur nouvelle expérience. Ils
expliquent, cherchent, écoutent avec intérêt « ceux qui savent ».
Le « trou noir, l'impression de froid » du jeune homme de tout à l'heure s'explique : un participant avait
donné le cas de sa mère, décédée trois mois plus tôt. Sinistre plaisanterie... Le cas que j'avais moi-même soumis
– celui de mon grand-père – « colle » à la réalité, mais il y a un élément supplémentaire : il se trouvera vérifié
plus tard. « Quelque chose dans les reins » en plus des lourdeurs dans les jambes et de l'emphysème que je lui
connaissais.
Voilà mot pour mot ce que j'ai vécu. Depuis, j'ai vu plusieurs centaines de personnes revivre mon
étonnement et ma stupeur. Je suis passé « de l'autre côté de la barrière », et je cherche à comprendre. Vous aussi,
peut-être. C'est une des raisons pour lesquelles j'écris ce livre.