La répétition est la meilleure des rhétoriques
La vivacité de l'impression et de la sensation premières conditionne la conservation des images. Toutefois, il se peut qu'elle soit faible ou même pratiquement nulle. En ce cas, à défaut de vivacité, la répétition donnera à l'impression faible une force supplémentaire. Les enfants, livrés à eux-mêmes, ne connaissent pas d'autres procédés pour apprendre et retenir leurs leçons. Ils les « rabâchent ».
Mais il y a un art du rabâchage. Le psychologue allemand C. Ebbinghans a montré que le moyen le plus efficace pour retenir un texte était, non seulement d'en faire plusieurs fois la lecture, mais de laisser un intervalle entre chaque reprise. En outre, on a constaté que l'influence des pauses est plus importante au début des répétitions qu'à la fin.
Vous pouvez lire le texte une ou deux fois, n'y plus penser, et le reprendre après un temps d'arrêt de sept ou huit minutes. Un travail subconscient de classement, de décantation et d'enregistrement, dont vous avons déjà parlé et sur lequel nous reviendrons, s'accomplit automatiquement. Vous constaterez que s'il faut, par exemple, onze lectures successives pour apprendre un texte, il n'en faudra plus que six lorsqu'une pause de quelques minutes les séparera. Ces intervalles permettent en effet aux mauvaises liaisons qui peuvent s'introduire de s'effacer, alors que les bonnes liaisons, qui se trouvent renforcées, ne subissent pas encore l'effet de l'oubli.
Au surplus comme l’indique le pédagogue M. Guillaume, « de même qu'un recul dans l'espace fait ressortir les grandes lignes d'un ensemble, un recul dans le temps est favorable à la formation d'une représentation schématique ».
La première et la seconde lecture seront faites à haute voix, puis vous répéterez mentalement le texte. C'est, d'après de nombreuses expériences, la meilleure façon de procéder, car une répétition mentale exige une attention plus forte que la répétition à haute voix.
D'autre part, deux ou trois séances d'étude sont préférables à une grande parce que l'attention s'émousse rapidement. Au bout de quelque temps, en effet, l'intérêt que vous portez à votre travail diminue et vous faites celui-ci plus ou moins automatiquement. Toutefois, il ne faut pas tomber dans l'excès contraire et multiplier les périodes d'études, car, dans ce cas, si l'attention n'a pas le temps de se lasser, elle n'a pas non plus le temps de se mettre en action, ce qui est un autre inconvénient: tout exercice intellectuel, comme d'ailleurs tout travail physique, demande effectivement une « mise en train ».
Après chaque séance, reposez-vous ou effectuez un travail machinal ou un travail très différents de celui de mémorisation: copie de notes, dessin, résolution d'un problème de mathématiques, de physique, de chimie, etc. Ici encore, et surtout si vous vous reposez ou si vous vous livrez à un travail qui ne demande pas un gros effort d'attention, les souvenirs que vous venez de fixer s'organisent dans l'inconscient, deviennent plus stables et entrent définitivement dans votre mémoire.
Et il s'agit là d'un fait absolument général, qui est valable chez l'animal comme chez l'homme, pour des apprentissages moteurs comme pour des apprentissages verbaux, pour des apprentissages par contiguïté comme pour des apprentissages par compréhension. Cet effet des repos est considérable.
Si vous oubliez les noms propres peu après les avoir entendus, vous pouvez utiliser avec profit le procédé de répétition qui était employé naguère par le grand avocat français Laborie. Lorsqu'il se trouvait en présence de quelqu'un dont il désirait retenir le nom, il s'arrangeait pour répéter ce nom plusieurs fois au cours de la conversation. « Ah! disait-il, par exemple, vous vous appelez Monsieur Dupensier.
Comme c'est curieux, j'ai connu un Léon Dupensier à Marseille. Quel homme charmant était ce Dupensier. Seriez-vous parent avec ce Léon Dupensier ? Je suis ravi de vous rencontrer, M. Dupensier ! »
Ce n'était là qu'un exercice mnémonique. Maître Laborie avait besoin de répéter cinq ou six fois à voix haute un nom propre pour le retenir. Mais, ce faisant, il n'avait pas seulement composé une fiche dans sa mémoire: il s'était aussi créé un ami.