L'affaiblissement de la volonté
L'affaiblissement de la volonté peut résulter d'un manque d'impulsion. C'est ainsi que certains malades forment sans cesse des projets, discutent logiquement le pour et le contre de chacun d'eux et répètent à satiété « je veux », mais ce « je veux » n'est suivi d'aucun acte; il reste à l'état d'affirmation abstraite et théorique.
L'affaiblissement de la volonté peut résulter d'un manque d'impulsion. C'est ainsi que certains malades forment sans cesse des projets, discutent logiquement le pour et le contre de chacun d'eux et répètent à satiété « je veux », mais ce « je veux » n'est suivi d'aucun acte; il reste à l'état d'affirmation abstraite et théorique.
Souvent, ils préfèrent s'abandonner passivement à la direction d'une autre personne, ce qui les dispense de faire un choix. Cette absence morbide de la volonté, cette impuissance du vouloir s'appelle l'aboulie (du gr. aboulia, irréflexion).
D'autres malades sont incapables de faire un effort. Quelques-uns ne peuvent pas se résoudre à traverser un grand espace vide, une place par exemple, qui s'étend devant eux : ils sont atteints d'agoraphobie (du gr. agora, place publique, et phobos, crainte).
Enfin, certains abouliques semblent manifester une énergie puissante mais elle n'est en réalité qu'un réflexe. Nous assistons alors à des explosions abruptes, rapides, incoercibles, à l'adoption brutale et irraisonnée de l'une des deux possibilités: d'un « oui » servile ou d'un « non » aveugle. Ces explosions hypoboulimiques de la volonté sont en outre exagérément intenses et tenaces dans leur expression motrice. Elles sont dominées, non par des raisons claires, mais par des tendances affectives générales, fortes et obtuses, aussi échappent-elles complètement à l'influence de la persuasion raisonnée.
Cet aspect particulier de l'aboulie constitue, en quelque sorte, un terme de transition entre les cas précédents et ceux dans lesquels l'affaiblissement de la volonté tient à un excès d'impulsion. En l'occurrence, celle-ci est trop forte, et, contrairement à ce qui se passe dans l'aboulie, elle s'oppose à la réflexion. Les sujets qui en souffrent, c'est-à-dire les impulsifs, agissent immédiatement, sans aucun temps d'arrêt. C'est le cas, par exemple, de quelques criminels et de certains candidats au suicide.
Il y a également affaiblissement de la volonté dans les obsessions dans lesquelles une image, une idée, un mot, un acte s'imposent à l'esprit malgré la volonté et bien que le malade les juge déraisonnables. Elles sont très fréquentes et prennent tantôt la forme d'une crainte que l'on désigne sous le nom de phobie comme celle de se laver et de relayer les mains.
Parfois l'obsession se rapproche de la folie du doute qui consiste à ne pas se fier aux données des sens les plus évidentes. Ainsi, une malade de Lévy-Valensi doutait, tous les soirs, d'avoir éteint sa lampe et la rallumait plusieurs fois afin de l'éteindre et de se rassurer ainsi. Cette lutte se terminait toujours de la même façon: la malade descendait dans la cour, regardait sa fenêtre, n'y voyait pas de lumière et regagnait son lit apaisée.
L'observation suivante, due au docteur Marcel Nathan, montre les rapports étroits qui unissent le scrupule à l'obsession et à la phobie.
« Depuis sa première communion, Amélie, âgée de 40 ans, présente des scrupules et des phobies diverses. Ses scrupules sont surtout d'ordre religieux; elle a fait, dit-elle, une confession incomplète, donc sacrilège; sa communion est nulle, elle demeure donc en état de péché. Comme dans tous les cas de ce genre, elle est incapable de spécifier le péché omis; aussi, toujours inquiète, va-t-elle de confesseur en confesseur, les trouvant toujours trop indulgents à son égard. »
Plus graves encore sont les idées fixes impulsives qui, le plus souvent, ne font qu'opposer la volonté du malade à une volonté en quelque sorte parasite, mais qui, parfois aussi, aboutissent à des actes répréhensibles ou même cri-minels comme c'est le cas par exemple pour le kleptomane* qui vole non pour se procurer ce dont il a besoin mais pour voler, et le fait du pyromane qui met le feu à une maison non pour se venger mais pour assister à un bel incendie.
Quelquefois le malade suscite et organise, si l'on peut dire, ses propres tourments. C'est ce que montre l'exemple suivant rapporté par H. Claude et Lévy-Valensi dans leur ouvrage Les États Anxieux. Il s'agit d'une jeune fille belge qui décrit l'état dans lequel elle est tombée à la suite de chocs émotionnels provoqués par une mésentente familiale.
« Mon esprit, toujours malgré ma volonté, ne peut sup-porter un instant de bonheur et cherche toujours des pensées anormales pour me faire souffrir.
Si je vois qu'une pensée ne procure en moi aucune souffrance, je l'abandonne; si je sens qu'elle doit me porter préjudice, m'empêcher d'arriver à un but, de prendre un plaisir, mon esprit s'y cramponne comme pour me torturer, et, quoi que je fasse, je ne puis détacher ma pensée de cette idée torturante. Mon esprit se complaît ainsi à se torturer malgré ma volonté consciente.
« Ainsi, l'an dernier, j'étais en projet de mariage avec un jeune homme. Toutes les fois que ce dernier venait me voir, mon esprit ne pouvait s'abstenir de chercher quelque chose pour m'empêcher d'être normale; la plupart du temps je choisissais l'obsession de bégayer, toujours malgré ma volonté; je cherchais de toutes mes forces à repousser cette idée, rien n'y faisait. Pendant toute la durée de la visite, je souffrais atrocement, ne pouvant chasser cette pensée; après la visite, l'obsession (si je peux appeler cela une obsession) disparaissait d'elle-même sans que je tisse pour cela le moindre effort. »
L'affaiblissement de la volonté peut se traduire égale-ment par un défaut d'attention comme cela a lieu à un degré élevé chez les idiots et chez les crétins.