L’alimentation

L’alimentation
L'étude de la nutrition montre que l'organisme subit deux sortes de pertes, les unes énergétiques, les autres substantielles. Pour les compenser, il doit recevoir, d'une part, des principes énergétiques qui seront la source de l'énergie nécessaire à l'accomplissement des phénomènes vitaux, et, d'autre part, des éléments matériels bien définis.


Les besoins énergétiques, que l'on peut évaluer par deux procédés principaux, la calorimétrie directe et la calorimétrie indirecte, sont les suivants:
A la température de 16 °C, un homme adulte, en repos relatif, c'est-à-dire n'effectuant pas d'efforts musculaires violents, comme c'est le cas par exemple pour l'intellectuel, produit en 24 heures une quantité d'énergie qui équivaut à 2 300 à 2 400 calories. « Une heure de vie, écrit A. Mayer, c'est environ 100 calories. » Il faut donc fournir à l'homme au repos une quantité d'aliments pouvant au moins produire de 2 300 à 2 400 calories.
Pour un travail moyen, comme celui d'un menuisier, il faut apporter 3 000 calories. Pour un travail de force, comme le travail d'un forgeron ou d'un bûcheron, il convient de fournir une quantité d'énergie supérieure à 3 000 calories. Elle peut atteindre 6 000 calories.
Connaissant les besoins énergétiques globaux, il est facile de calculer le poids des aliments capables de les couvrir sachant que 1 g de protéines (albumines) dégage 4,05 calories, 1 g de lipides (graisses), 8,75 calories, et 1 g de glucides (sucres et amidons), 4,1 calories. Dans cette évaluation, il faut tenir compte du besoin minimum d'albumine qui est, comme nous l'indiquons plus loin, de 70 g par jour.
Voici, par exemple, une ration équilibrée à 2 500 calories environ. Protéines (viande, fromage, etc.), 90 g: 364,5 calories; lipides (graisse, beurre, huile), 60 g : 525 calories; glucides (sucres, pain, matières amylacées, légumes divers, etc.), 400 g: 1 640 calories. Total: 2 529,5 calories.
Bien entendu, les calculs portent sur des produits purs. Le poids des aliments correspondants est plus élevé. Ainsi, 1 kg de viande contient en moyenne de 100 à 170 g de protéines et 150 g de graisse; 1 kg de pain renferme de 70 à 80 g de protéines, 520 g de glucides et 2 g de matières grasses; 1 kg de pommes de terre contient 20 g de protéines, 200 g de glucides et 5 g de corps gras.
Notons au passage que, pendant la dernière guerre, la carte d'alimentation donnait à peu près 1 200 calories, ce qui était notoirement insuffisant. Le déficit à combler était de 1 000 à 2 000 calories. En revanche, actuellement, la ration moyenne dans les grandes villes, qui se situe aux environs de 3 500 calories, constitue une ration de « luxe » susceptible d'entraîner des désordres organiques: les citadins mangent trop.
Dans l'établissement des rations alimentaires, on peut se demander s'il est indifférent de fournir à l'organisme l'une ou l'autre des trois catégories d'aliments pourvu que les besoins calorifiques soient satisfaits. Autrement dit, peut-on donner soit des protéines (matières albuminoïdes), soit des lipides (corps gras), soit des glucides (sucres et amidons)? Dans le cas des protéines, il en faudrait 564 g ce qui corres-pond à 2 ou 3 kg de viande. Pour les glucides, le chiffre serait le même, et, pour les lipides, il en faudrait 260 g. D'après la théorie de l'isodynamie, proposée autrefois par Rubner, la substitution serait possible.
En réalité, bien que théoriquement exacte, la théorie de l'isodynamie alimentaire n'est pas une loi de physiologie générale.
Il faut d'abord remarquer que l'isodynamie ne concerne que la valeur énergétique des aliments et non leur valeur plastique. Avant toute substitution, il est nécessaire que le besoin minimum d'azote soit satisfait, et, à cet effet, les protéines ne peuvent être remplacées par aucun autre ali-ment. D'autre part» le remplacement des glucides et des lipides par une quantité isodynamique de protéines fournit en proportion élevée des substances toxiques azotées (urée, acide urique, etc.) éminemment préjudiciables à l'orga-nisme.
D'un autre côté, trop de lipides fatigue le foie et provoque de l'acétonurie*, alors qu'un régime trop riche en glucides et pauvre en lipides ne peut être longtemps toléré car il entraîne une carence en vitamines A et D, souvent en vitamines B, et une déficience d'acides gras indispensables tels que les acides linoléique, linolénique et arachidonique.
En pratique, on admet que les lipides sont à un taux normal quand ils apportent environ de 20 à 30 p. 100 des calories totales, ce qui représente 60 g de corps gras pour un adulte pesant 60 kg.
Quant aux limites raisonnables des glucides dans la ration alimentaire, elles sont fixées par les considérations suivantes:
- On ne peut pas trop élever le taux de glucides, car les aliments riches en ces substances sont généralement pauvres en calcium.
- L'abus de glucides diminue l'appétit.
- L'assimilation des glucides nécessite absolument la présence de la vitamine B1 (voir plus loin) dont l'action catalytique fait partie intégrante de leur utilisation. L'équi-libre alimentaire exige que le poids de vitamine B1, exprimé en gamma, c'est-à-dire en millièmes de milligramme, donne un chiffre voisin de 8. 11 en résulte qu'à un excès de sub-stances sucrées ou d'hydrates de carbone doit correspondre un apport supplémentaire de vitamine B» par exemple sous forme de levure de bière ou de germe de blé.
- Mais on ne peut pas trop diminuer le taux des glucides, car les lipides nécessitent la présence de sucre dans l'organisme pour brûler correctement. On dit qu'ils « brûlent à la flamme des glucides ».
Pratiquement, la ration de glucides peut varier entre 300 et 400 g par jour et apporter de 40 à 65 p. 100 des calo-ries totales.
En règle générale, il n'y a pas à se préoccuper de la consommation en glucides, sauf pour les collectivités où l'on a tendance à en donner trop par économie (pommes de terre, sucres) et pour les glycémiques* et les diabétiques où il y a lieu d'en réduire considérablement la quantité. Les enquêtes alimentaires ont révélé que, pour la plupart des groupes humains, le taux utilisé est très proche du taux théorique, ce qui conduit à penser qu'il y a une autorégulation spontanée d'après l'appétit.
Les besoins énergétiques étant connus, il faut connaître les besoins matériels. A cet effet, on évalue les pertes subies en 24 heures par des individus normaux restant en équilibre pondéral.
On pèse le carbone des déchets (gaz carbonique, urée, acide urique), l'azote (urée, acide urique), le phosphore, le calcium, le fer, etc., et l'on trouve que l'homme rejette en moyenne par 24 heures: 235 g de carbone, 16 g d'azote, 1,5 g de phosphore, de 0,5 à 1 g de calcium, 8 mg de fer, etc. La ration devra donc redonner ces quantités à l'organisme sous forme assimilable.
Bien entendu, ces chiffres n'ont qu'une valeur assez relative. On les obtient en faisant des moyennes, et, si l'on considère par exemple un groupe d'individus consommant un excès de protéines, on aura un chiffre trop élevé d'azote.
De plus, les vitamines, qui interviennent à dose très faible, jouent un rôle de premier plan dans la nutrition et se montrent spécifiquement indispensables.
Examinons ces différentes substances, c'est-à-dire l'azote apporté par les protéines, les matières minérales autres que l'azote, et les vitamines, en insistant tout particulièrement sur les substances qui jouent un rôle important dans l'équilibre nerveux et, par conséquent, dans le maintien ou le développement de la volonté.
Les protéines, appelées autrefois albumines ou matières albuminoïdes (le blanc d’oeuf en est le type), sont des aliments irremplaçables. On ne peut nourrir un animal exclusivement avec des glucides (sucres et amidons), des lipides (corps gras) et des sels minéraux, mais on peut l'alimenter uniquement avec des protéines. Cela tient au fait que ces aliments apportent à l'organisme des acides aminés* qui sont, en quelque sorte, des « pièces de rechange » de la machine animale.
Enfin, et ceci nous intéresse particulièrement, les peu-plades sous-alimentées et consommant peu de protéines sont veules et atones.
L'évaluation des ingesta et des excréta azotés montre que, pour l'adulte moyen, le besoin minimum par jour en protéines est de 1 g par kilo de poids corporel, soit de 60 à 70 g. Mais nous estimons qu'il est sage de dépasser ce taux, car les régimes carencés en protéines diminuent sérieusement l'énergie physique et intellectuelle ainsi que la résistance aux maladies.
Lorsque l'organisme est en voie de croissance, ce besoin augmente. Il est de 3,5 à 4 g par kilo de poids corporel pour les bébés de 0 à 3 ans, de 2,5 à 3 g par kilo de poids pour les enfants de 3 à 10 ans, et de 1,5 à 2 g par kilo de poids pour les adolescents et les jeunes gens de 10 à 20 ans.
Au reste, les protéines activent la croissance, et, comme nous venons de l'indiquer indirectement, elles sont une source d'énergie physique et intellectuelle. Ainsi, il y a, en ce qui concerne la croissance, un parallélisme entre la teneur en protéines du lait des différentes espèces des mam-mifères et la vitesse avec laquelle le jeune animal double son poids de naissance.
Dans le même ordre de faits, on a constaté que les plaies et les fractures cicatrisent plus vite avec des régimes riches en protéines. Pendant la grossesse, l'allaitement, les maladies infectieuses, les convalescences, le travail intellectuel intensif, le besoin protéique est également accru et doit atteindre 100 à 150 g par jour. Enfin, le régime des personnes âgées, dont le rein fonctionne normalement, doit comprendre de 1,4 à 1,5 g de protéines par kilo de poids corporel et par jour sinon on assiste à une fonte musculaire progressive, à une altération de la trame protéique du squelette, à une moindre résistance aux infections de tout genre, cependant que la fatigue physique et la fatigue psychique s'accroissent et que la volonté faiblit.
Toutefois, une alimentation trop riche en protéines peut être néfaste et même dangereuse, surtout en cas d'insuffi-sance rénale ou hépatique, car elle est susceptible d'augmen-ter le taux de l'urée sanguine et de provoquer une certaine azotémie. Pratiquement, une ration en protéines est correcte si les calories qu'elle fournit apporte 13 à 15 p. 100 des calories totales. C'est, d'après ce principe, que nous donnons plus loin les quantités normales de substances albuminoïdes qu'il convient d'ingérer chaque jour.
De même que l'azote, un certain nombre de matières minérales, telles que le sodium, le potassium, le phosphore, le calcium, le soufre, le fer, le magnésium, l'iode, le fluor, l'arsenic, le bore, etc., entrent dans l'édification et la répa-ration des tissus; elles interviennent également dans le maintien de la pression osmotique, de la réaction du milieu intérieur, dans les actions diastasiques, dans les oxydations, les réductions, les oxydoréductions, etc.
Enfin, quelques-unes d'entre elles, sur lesquelles nous allons insister, exercent un rôle de premier plan dans l'équilibre nerveux et par conséquent dans le maintien et le développement de la volonté. Ce sont le phosphore, le calcium, le magnésium et l'iode.
Le phosphore, indispensable au travail cérébral
Le phosphore joue un rôle physiologique absolument fondamental. Il participe, en effet, à toutes les réactions essentielles de dégradation et de synthèse des sucres, des matières grasses et des substances azotées. Il assure l'absorption des aliments déjà plus ou moins transformés, il permet aux liquides organiques de maintenir leur acidité libre à une valeur convenant aux exigences physiologiques. Enfin, il entre en jeu dans la contraction musculaire (phosphagène*), dans la production des cellules sexuelles, dans l'édification du squelette, et, ce qui nous intéresse particulièrement, dans le travail cérébral et l'exercice de la volonté.
On le trouve dans un grand nombre d'aliments tels que la viande, le poisson, les oeufs, le lait et ses dérivés, etc., de sorte que, en règle générale, il n'y a pas lieu, dans l'alimen-tation courante, de s'inquiéter d'une carence possible en phosphore, mais ce qui importe surtout c'est d'assurer le rapport correct calcium/phosphore dont nous allons parler.
Ce qui domine en effet le problème du métabolisme du phosphore et du calcium c'est incontestablement la valeur de ce rapport. S'il est convenable, il est une des clefs per-mettant d'ouvrir la porte de la guérison aux tuberculeux, aux rachitiques, aux décalcifiés de toutes sortes et il est l'une des conditions de l'équilibre nerveux et psychologique car le calcium diminue l'excitabilité neuromusculaire. La baisse du taux de calcium dans le sang, au-dessous de la normale, amène des convulsions (tétanie).