Travail à distance
Une fois rentré chez moi, je fis ce que les présences étrangères m'avaient empêché de faire. Je pris mentalement Reine dans mes bras et l’embrassai avec force comme lorsqu'elle était petite. Puis je la remis sur son lit d'hôpital et m'efforçai de considérer son état objectivement.
Une fois rentré chez moi, je fis ce que les présences étrangères m'avaient empêché de faire. Je pris mentalement Reine dans mes bras et l’embrassai avec force comme lorsqu'elle était petite. Puis je la remis sur son lit d'hôpital et m'efforçai de considérer son état objectivement.
Son corps physique inanimé se dissolvait dans ma mémoire mais je distinguais parfaitement son corps subtil, tout élan et transparence, l'innocence même.
Ma méditation fit de Reine un cristal de résonance traversé par une douceur fluide au goût d'illimité, s'évaporant, se diluant, puis resserrant le contact.
Je sus par là que l'énergie émise par mon affection pour Reine avait touché en elle un centre correspondant. Je lui dis alors, en toute intensité: "Vis de ma vie, petite bien- aimée, et que mon souffle soit ton souffle".
Puis je tombai dans un sommeil sans fond.
Je sortis de ce mystérieux sommeil dans un état d'épuisement total, comme si l'on m'avait vidé moi-même de mon sang. J'eus à peine la force d'atteindre le téléphone.
- Tu dormais donc ? me dit mon ami scandalisé. Je sonne depuis dix minutes.
- Je n'entendais pas. Quelles sont les nouvelles ?
- Elle est sortie du coma. Elle m'a parlé. Elle a même essayé de sourire. Elle ne souffre pas. Je te rappellerai tout à l'heure.
Il me fallut attendre le soir. La voix de mon ami était peine audible:
- Elle a eu de nouvelles hémoptysies, extrêmement violentes. Dixsept dans la journée. Je ne l'ai pas quittée une seconde. L'hémoptysie se déclenche au moindre mouvement. La nuit est à redouter.
Immobilise-la mais sans qu'elle en éprouve d'angoisse car elle se débattrait. Toi-même, ne t'endors pas ! Emmène-là dans le monde auquel tu crois.
Puisque Reine avait senti mon affection, puisqu'elle était déjà sortie du coma sur mes supplications, c'est qu'elle entendait le langage de ma pensée.
Je fixai mon attention sur sa pensée jusqu'à ce que je sentisse un déclic extrêmement léger prouvant que nous changions de terrain.
Alors je dessinai mentalement dans son lit la forme exacte de son corps, en suivant étroitement ses contours. Puis je creusai la place de ce corps comme font les enfants qui jouent au sable.
Reine se tenait donc insérée en quelque sorte à cette place et entourée d'un relief. Je lui expliquai en pensée que, si elle sortait de ce relief, ou si, même, elle se mouvait à l'intérieur, cela me ferait perdre le combat pour sa vie. Je lui ris jurer mentalement qu'elle garderait une immobilité de statue. Ce qu'elle fit.
Je recommençai le soir suivant, de façon moins stricte. Le subconscient de Reine, s'étant pénétré de l'importance de l'immobilité, obéirait de lui-même.
La troisième nuit s'écoula également sans encombre. Reine et moi étions parfaitement accordés l'un à l'autre.
- Le danger imminent est conjuré, me dit mon ami au téléphone.
Ma méditation fit de Reine un cristal de résonance traversé par une douceur fluide au goût d'illimité, s'évaporant, se diluant, puis resserrant le contact.
Je sus par là que l'énergie émise par mon affection pour Reine avait touché en elle un centre correspondant. Je lui dis alors, en toute intensité: "Vis de ma vie, petite bien- aimée, et que mon souffle soit ton souffle".
Puis je tombai dans un sommeil sans fond.
Je sortis de ce mystérieux sommeil dans un état d'épuisement total, comme si l'on m'avait vidé moi-même de mon sang. J'eus à peine la force d'atteindre le téléphone.
- Tu dormais donc ? me dit mon ami scandalisé. Je sonne depuis dix minutes.
- Je n'entendais pas. Quelles sont les nouvelles ?
- Elle est sortie du coma. Elle m'a parlé. Elle a même essayé de sourire. Elle ne souffre pas. Je te rappellerai tout à l'heure.
Il me fallut attendre le soir. La voix de mon ami était peine audible:
- Elle a eu de nouvelles hémoptysies, extrêmement violentes. Dixsept dans la journée. Je ne l'ai pas quittée une seconde. L'hémoptysie se déclenche au moindre mouvement. La nuit est à redouter.
Immobilise-la mais sans qu'elle en éprouve d'angoisse car elle se débattrait. Toi-même, ne t'endors pas ! Emmène-là dans le monde auquel tu crois.
Puisque Reine avait senti mon affection, puisqu'elle était déjà sortie du coma sur mes supplications, c'est qu'elle entendait le langage de ma pensée.
Je fixai mon attention sur sa pensée jusqu'à ce que je sentisse un déclic extrêmement léger prouvant que nous changions de terrain.
Alors je dessinai mentalement dans son lit la forme exacte de son corps, en suivant étroitement ses contours. Puis je creusai la place de ce corps comme font les enfants qui jouent au sable.
Reine se tenait donc insérée en quelque sorte à cette place et entourée d'un relief. Je lui expliquai en pensée que, si elle sortait de ce relief, ou si, même, elle se mouvait à l'intérieur, cela me ferait perdre le combat pour sa vie. Je lui ris jurer mentalement qu'elle garderait une immobilité de statue. Ce qu'elle fit.
Je recommençai le soir suivant, de façon moins stricte. Le subconscient de Reine, s'étant pénétré de l'importance de l'immobilité, obéirait de lui-même.
La troisième nuit s'écoula également sans encombre. Reine et moi étions parfaitement accordés l'un à l'autre.
- Le danger imminent est conjuré, me dit mon ami au téléphone.
Néanmoins elle a encore beaucoup de peine à respirer. L'inspiration déclenche des douleurs. Viens la voir, elle te réclame. Dès quelle sera transportable je l'enverrai en sana. J'attends des réponses.
Je prévoyais ce que donnerait ma visite à Reine:
- Ne me laisse pas partir, supplia-t-elle en s'accrochant à ma main. Je ne veux pas être loin de vous tous. Je serais trop malheureuse. Tu n'as qu'à me guérir ici.
- Que dit ton mari ?
- Il est affolé et ne veut que ce que veulent les docteurs. Je ne partirai pas, je te le jure. Ou sinon, j'irai plus mal exprès.
Aucun raisonnement ne prévalut contre cette obstination. Si bien que je proposai à mon ami la chose suivante:
- Donne-moi seulement trois semaines pour sortir Reine de ce mauvais pas. Mais, jusque là, ne parle plus de déplacement. Si elle n'est pas guérie dans trois semaines à partir d'aujourd'hui, je n'insisterai pas.
- Que dirai-je au mari ? Il est jaloux et se méfie de toi comme de la peste.
- Dis-lui que Reine a choisi d'emblée. C'est à elle de décider de sa propre vie. Trois semaines.
- Elle a de profondes cavernes, une surtout, et un tas d'érosions, sans compter...
- Fais faire des radios et des tomos dès maintenant. On les refera à nouveau dans trois semaines. Cela te satisfait-il ?
- Puisque tu dis que Reine y tient, je veux bien essayer. Mais je t'avertis que, tout de suite après...
- Je me serai retiré du jeu si je n'ai pas gagné.
Je prévoyais ce que donnerait ma visite à Reine:
- Ne me laisse pas partir, supplia-t-elle en s'accrochant à ma main. Je ne veux pas être loin de vous tous. Je serais trop malheureuse. Tu n'as qu'à me guérir ici.
- Que dit ton mari ?
- Il est affolé et ne veut que ce que veulent les docteurs. Je ne partirai pas, je te le jure. Ou sinon, j'irai plus mal exprès.
Aucun raisonnement ne prévalut contre cette obstination. Si bien que je proposai à mon ami la chose suivante:
- Donne-moi seulement trois semaines pour sortir Reine de ce mauvais pas. Mais, jusque là, ne parle plus de déplacement. Si elle n'est pas guérie dans trois semaines à partir d'aujourd'hui, je n'insisterai pas.
- Que dirai-je au mari ? Il est jaloux et se méfie de toi comme de la peste.
- Dis-lui que Reine a choisi d'emblée. C'est à elle de décider de sa propre vie. Trois semaines.
- Elle a de profondes cavernes, une surtout, et un tas d'érosions, sans compter...
- Fais faire des radios et des tomos dès maintenant. On les refera à nouveau dans trois semaines. Cela te satisfait-il ?
- Puisque tu dis que Reine y tient, je veux bien essayer. Mais je t'avertis que, tout de suite après...
- Je me serai retiré du jeu si je n'ai pas gagné.